Je me réveille. La première chose
que j’observe est que je suis par terre. Je ne sais pas comment j’ai fait pour
me trouver ici. Suis-je tombée du lit ? Ou bien me suis-je évanouie ? J’essaie
de me souvenir de quelque chose, de ce que je faisais avant de dormir…. Sans
succès. Je me mets debout comme par instinct et je commence à marcher. La
deuxième chose que j’observe est que je ne suis pas dans ma chambre. Super. Cet
endroit m’est complètement étranger. La troisième chose que j’observe est que
je suis dehors. Me suis-je fait voler puis assommer ? Mais je ne sens aucune
douleur. Je regarde à gauche et à droite et je vois des murs. Suis-je dans un
couloir ? Dans une maison sans toit ? N’ayant pas d’autre choix, je commence à
marcher droit devant. Il faut bien aller quelque part, rester dans le même
endroit ne m’amènera nulle part, n’est-ce pas ? Très vite je me trouve devant
un autre mur, je tourne à droite et je continue ma route. Il n’y a que des
couloirs dans cet endroit. On dirait que c’est un labyrinthe et non une maison.
Punaise ! Comment ai-je fait pour arriver là ? Je marche lentement, plus parce
que je suis effrayée que parce que je n’ai pas de chaussures. Je n’entends
rien. Tout est mort ici. Il n’y a rien qui vive, rien qui bouge. Il n’y a ni
vent ni lune. Il n’y a ni oiseaux ni serpents. Je tourne à droite puis à
gauche. J’essaie de marquer les places mais il fait assez sombre. Je me perdrai
très facilement. Oh, la farce !
Pendant que je me promène au
clair de la lune inexistante, je trébuche sur quelque chose. Ma peluche ? Que
fait-elle là ? En la regardant plus près, je vois qu’elle est toute trouée. Je
continue ma route en la regardant. C’est drôle, à chaque fois que je touche un
trou je sens quelque chose. Comme la dernière fois que je me suis disputée avec
ma sœur. Ce n’était même pas à propos de quelque chose d’important. Je veux
dire, elle avait pris mon T-shirt bleu et alors ? C’est drôle quand je me
fâche, je trouve beaucoup de mots méchants à lancer. Et quand je veux exprimer
de la gratitude ou de l’amour, aucun mot ne me vient à l’esprit. Je n’ai même
pas pu lui dire combien je l’aimais. Elle est morte sans le savoir. Cette
peluche me rend triste. C’est comme si elle contenait tous mes regrets. Elle
peut bien être petite, mais elle a beaucoup de trous minuscules. Je regrette
bien des choses. Je la jette.
Je commence à faire du bruit.
Oui, c’est ma façon de combattre la peur et le stress. Je ne suis pas sûre que
ce soit une bonne idée. Peut-être, ça attirera quelqu’un qui n’est pas le
bienvenu. Je commence à chanter. Je n’ai pas une très belle voix mais je chante
quand même, ça me calme. Droite, gauche, gauche droite. Je suis mon chemin à
l’aveuglette. J’entends quelque chose. Ce n’était sûrement pas ma voix. Ma voix
peut être horrible mais elle n’est définitivement pas une voix d’homme. Je fais
moins de bruit maintenant, je ne pense pas que faire connaissance avec un homme
qui rigole comme le diable lui-même soit quelque chose que je veux vivre. Je
marche plus vite. La voix n’arrête pas de rigoler. Je marche encore plus vite.
Elle se rapproche. Je cours.
Courir pour échapper à un danger
est un bon moyen de survie, lâche peut-être mais cela fonctionne. Courir dans
des couloirs qui semblent interminables n’est pas vraiment la meilleure des
solutions. Mais le rire diabolique de mon poursuivant me fait automatiquement
aller de l’avant. Je cours jusqu’à ce que je sente quelqu’un tout près de moi.
Je tombe. Trois secondes passent et rien ne m’attrape par derrière. Je remarque
que je n’entends plus le rire. Ok… je me tourne doucement en m’attendant à
apercevoir une silhouette, mais il n’y a rien. Hors d’haleine, j’essaie de
reprendre mon calme en regardant le mur de droite. Pour la première fois, je
vois qu’il y des inscriptions sur les murs. Je me rapproche et je commence à
lire : « pourquoi me fais-tu ça ? Je pensais que tu m’aimais » « Fais quoi ? Je
ne fais rien. C’est toi qui interprètes les choses telles qu’elles ne le sont
pas ! ». Je fais un pas en arrière en pensant que je suis devenu folle. Je
n’arrive pas à lire quoi que ce soit d’autre. Toutes les lettres sont floues.
Mais je n’ai pas à lire davantage de toute façon. Cette conversation, je la
connais par cœur. Elle était la dernière dispute que j’ai eue avec mon ex. Il
m’accusait de flirter avec d’autres hommes. Il croyait que je le faisais pour
le rendre jaloux. J’ai tout fait pour le convaincre qu’il imaginait des choses
mais il était persuadé que je mentais. Ce qui est triste est qu’il avait
raison. Et que j’ai fait des choses horribles à lui qui m’aimait tant. Quand il
s’était rendu compte que je n’étais pas si innocente que je le lui ai fait
croire, il était sorti de la maison pour ne jamais y revenir et j’ai perdu le
seul être qui voulait me rendre heureuse. Mon insolence, mon orgueil, mon
égoïsme etc. m’ont ruinée. Je n’ai su sa valeur que quand qu’il est parti.
Quelque chose à une grande
vitesse passe derrière moi. Il est revenu ! Je recommence à fuir. Gauche
droite, droite gauche. Il apparaît devant moi. Je cours à droite. Il apparaît à
ma gauche je fuis droit devant. C’est comme s’il m’encerclait. Il est partout.
Je suis terrifiée. Je ne sais pas pourquoi mais je pense à ma mère. Ma mère qui
m’a protégée quand j’étais enfant, qui m’a soutenue quand j’étais adolescente
et qui m’a pardonnée quand je suis devenue adulte. Ma mère que j’ai épuisée
quand j’étais enfant, que j’ai négligée quand j’étais adolescente et que j’ai
blessée quand je suis devenue adulte. Je m’arrête devant un mur. Je regarde
partout mais il n’y a aucune issue. Prise au piège. Je me retourne et je vois
l’homme qui se dirige vers moi. Je peux maintenant distinguer sa silhouette,
elle devient une petite silhouette de femme avec un couteau dans la main. Elle
a un masque au visage. Elle l’enlève. Ce que je vois c’est moi. Elle me
poignarde.
Je me réveille. Cette fois je
suis dans mon lit. Effrayée, essoufflée, déprimée. J’allume ma veilleuse pour
m’assurer qu’Elle n’est pas là. Je ne la vois nulle part dans la chambre mais
pourtant Elle est ici, avec moi. Elle est en moi. Elle est moi. Elle est celle
que je montre aux autres. Elle est celle qui joue un différend rôle chaque
jour. Elle est celle qui porte un masque au visage sans même considérer être
elle-même. C’est un cauchemar que je n’oublierai jamais parce que c’est plus ma
vérité qu’un simple rêve. Cela m’a montré qui je suis, ce que j’ai fait et
comment j’en suis arrivée là : sans rien, sans personne…